Pourquoi je ne suis pas devenue éleveuse de shar-peï

Pourquoi je ne suis pas devenue eleveuse de shar-pei

Tous les passionnés d’une race finissent par se lancer dans l’élevage. A quelques exceptions près. Contribuer au développement de la race semble être la destination ultime de ce voyage personnel (et passionnel !).

Personnellement, au-delà du plaisir de voir plein de petits chiots à câliner courir partout, étudier des pedigrees et procurer de bons compagnons à des gens, je vois surtout des inconvénients.

 Ça coûte de l’argent !

Je dis bien « ça coûte de l’argent » et non « ça rapporte de l’argent ».  Avant de pouvoir vendre des chiots il faut être capable de lâcher des euros.

Tout d’abord, les reproducteurs de qualité ne se trouvent généralement pas au rabais.

Ensuite il faut pouvoir entretenir tous ces chiens : les croquettes, les produits d’entretien, les soins vétérinaires, etc. voire procéder à quelques aménagements dans la maison.

Cerise sur le gâteau, pour faire connaître son élevage, promouvoir certains chiens, ou simplement les confirmer pour obtenir leur pedigree, il faut un budget rien que pour les expositions.

Si vous comptez uniquement sur les revenus de la vente de vos chiots pour manger, vous allez forcément être amené un jour à faire une portée par nécessité. Et ça, je ne veux pas le faire.

C’est une mauvaise excuse qui a comme conséquence de multiplier le nombre de chiens déjà très important, de faire un mariage peu attrayant et surtout de mettre en danger une femelle qui ne devrait peut-être pas reproduire.

On fait toujours courir un risque à sa chienne lorsqu’elle a une portée, alors autant que ce soit pour une raison valable.

On est envahi de chiens !

Je pense que je serai incapable de me séparer d’un de mes chiens. Je me retrouverai donc vite avec une dizaine ou une vingtaine d’individus. C’est gérable si les locaux sont adaptés, mais à la maison votre foyer se transforme rapidement en chenil.

Vous allez me dire : « oh mais il faut juste deux ou trois femelles et éventuellement un mâle ». Ben voyons. Si l’une des femelles a un problème de santé et ne doit pas reproduire, vous allez peut-être en prendre une autre. Si les mariages entre votre mâle et vos femelles ne donnent rien de bon, vous allez prendre de nouveaux chiens aussi. Et lorsqu’ils deviennent trop vieux pour reproduire ? Si vous ne placez pas ceux que vous ne faites plus reproduire, les nouveaux vont s’additionner aux anciens.

Et puis on va garder un chiot d’une portée, que ce soit par choix (établir une lignée) ou parce qu’il est invendable (tare) ou parce qu’on l’a récupéré chez un acheteur peu scrupuleux et qu’on a du mal à le replacer. Allez hop, encore des chiens en plus. Et je vous fais grâce de la superbe portée née chez un autre éleveur qu’on aimerait bien ajouter à l’élevage.

Pour avoir vécu avec « seulement » cinq chiens, j’ai vraiment eu l’impression de ne pas pouvoir octroyer à chacun le temps et l’attention qu’ils méritaient.

Une solution ? Travailler moins ou ne plus travailler mais là on peut relire le point précédent.

Une autre solution ? Faire reproduire les quelques chiens que vous possédez alors qu’ils ne le devraient pas (trop jeunes, trop vieux, avec des problèmes de santé, de comportement, mariage qui ne donne rien de bon, etc.), et là on se retrouve au point suivant.

 Pourquoi ferais-je mieux que les autres ?

La formule qui m’agace un peu et reprise par la plupart des personnes qui se lancent dans l’élevage : « pour l’amélioration de la race ». Un vœu pieu.

Pour cela il faut déjà bien connaître la race. D’où mon sourire en coin quand j’entends ce genre d’affirmation de la bouche de personnes qui ont un shar-pei depuis six mois et qui se lancent déjà dans l’élevage « pour améliorer la race ».

Rien n’empêche de vouloir faire une portée à sa chienne dans les règles de l’art. Ce n’est pas pour autant qu’il faut se lancer dans l’élevage.

Est-ce que j’ai plus de connaissances ? Plus de pratique ? Une vision particulière de la race ? Un objectif précis que je souhaite atteindre ? Est-ce que je sais des choses que les autres éleveurs ne savent pas ou bien ai-je le culot de faire quelque chose qu’ils n’osent pas (et qui serait bon pour la race) ? Non, je ne le crois pas.

Si, par exemple, je souhaitais développer le shar-pei traditionnel, ou lancer une lignée de shar-pei de travail (aïe), pourquoi pas ? Mais si c’est pour faire reproduire les mêmes lignées et faire un copier-coller d’un autre élevage qui utilise des chiens de la même famille, je ne vois pas trop l’intérêt. Autant me contenter d’acheter mes chiens chez lui et lui laisser faire le travail.

Prisonnier de vos chiens !

Fini les vacances. Vos amis ne viennent plus vous voir, votre famille ne comprend pas votre choix. Vous ne pensez qu’au chien, ne côtoyez que des gens du milieu canin et ça devient votre seul sujet de conversation.

Effectivement, c’est une passion. Mais quand elle devient dévorante, elle risque de prendre le pas sur la réalité.

Rien que de laisser partir des chiots, apprendre qu’ils ont été abandonnés, revendus, maltraités ou mal entretenus me rendrait particulièrement anxieuse voire agressive.

Se lancer dans l’élevage canin demande une longue réflexion. Et beaucoup de qualités.

Heureusement, certains les ont. Moi pas.

Print Friendly, PDF & Email

9 réflexions sur “Pourquoi je ne suis pas devenue éleveuse de shar-peï”

  1. Un superbe résumé de ce qu’est l’élevage canin, métier oh combien passionnant mais qui doit faire face à de dures réalités et qui devient parfois très vite envahissant…surtout pour la famille. Il faut « aimer » chien, « vivre » chien…pas toujours évident. merci pour ce partage

    1. Merci Fabienne !
      Je pense que certains se lancent dans l’élevage en ne voyant que le côté positif. Alors que, comme vous le dites, aussi passionnant que ce soit, il y a beaucoup de choix à faire qui ne sont pas faciles.

    1. Merci JLuc.
      Elever des chiens est une véritable responsabilité.
      On a du mal à se rendre compte de la complexité du développement d’une race quand on achète son premier chien.

  2. WAOUHHHHHHHHH … article effectivement combien intéressant !!!! une jolie approche de ce qu’est le monde de l’élevage .. du temps qu’il faut y consacrer .. de des moyens financiers qu’ils faut envisager .. et l’implication personnelle que cela amène.

    Jolie réflextion effectivement que se dire : qu’est ce que je pourrais faire de mieux que les autres (éleveurs s’entend)

    Bravo Karole .. pour ce bel article !!!

    Je ne suis pas dans le domaine de l’elevage mais dans le sauvetage et ta vision reflète tout a fait ce que j’impose (c’est le mot) à ma famille !!! Et encore j’ai mis de l’eau dans mon vin crois moi … car il fut un moment ou cela empiètait sur mes relations familiales !!!

    Quant on a une passion on l’impose en qq sorte aux personnes qui nous sont proches … quelque soit cette passion … et cela n’est pas facile pour les personnes que l’on cotoye tous les jours !!

    C’est génial Karole d’avoir su expliquer cela

    Merci à toi pour tous ces sujets très intéressants que tu ouvres ici

  3. Bonjour,

    Ayant un mâle je fait régulièrement des saillies. Je me suis vite rendu compte que faire de l’élevage est quelque chose qui ne s’improvise pas. Il y a un cout à la naissance des chiots il faut aussi être prêt aux éventuelle complication de santé que la chienne peut avoir.

    Non, il ne faut pas faire de l’élevage dans l’espoir de devenir riche c’est complètement Utopique !

    Merci de l’article.

    Paul

    1. J’ai aussi fait des saillies avec un de mes mâles. C’est la partie la plus facile !
      Mais on ne se sent pas moins responsable des chiots à naître…

  4. Excellent cet article on croirait du vécu!
    J’ai eu une femelle briard elle a eu deux portées, simplement pour son équilibre. Dix chiots à chaque fois quel plaisir mais quel boulot!
    En même temps j’ai eu un mâle bichon frisé, plus pour mon épouse et mes enfants. Le jour de la confirmation on m’a dit « il est magnifique faites des expo ». Nous les avons faites et effectivement il fut souvent premier nombreux CACIB!( A la maison il dormait le plus souvent sur la femelle briard). Bon il faut que j’abrège! par la suite j’ai eu deux femelles bichons elles ont fait des petits (5 à chaque portée). Tout cela pour dire que c’était pour le plaisir, cela rembourse à peine les frais de route et inscription dans les expos, véto etc.
    Ils sont morts de vieillesse, sauf une petite femelle magnifique, née à la maison et que nous avions gardée. Elle a été dévorer par un chien délinquant, appartenant à des amis de mes voisins.
    Aujoud’hui je n’ai plus de chien. Mais…

    1. C’est du vécu par procuration 😉
      J’ai eu un mâle qui a fait quelques saillies alors tu penses bien que je ne pouvais pas m’empêcher d’aller voir les chiots et suivre leur développement.
      J’ai eu des contacts avec plusieurs éleveurs qui parlaient de leur « métier-passion » et qui m’ont beaucoup appris.
      J’ai fréquenté les expos.
      Et j’avoue que faire une portée ne m’aurait pas déplu.
      Le problème c’est que plus on connaît une race, plus on est exigeant, et plus on a conscience que malgré tous les soins apportés au choix des reproducteurs, le résultat peut être surprenant.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.